12 août 2016

Voyage en Russie ! - partie 2

jeudi 11 août 2016


Nous arrivons à 4h du matin heure locale à l’aéroport Moscou-Cheremetievo. L’attente à la douane commence, et lorsque mon tour arrive je réveille le contrôleur à la mine austère qui commençait à piquer un somme dans sa cabine. Mon passeport est vérifié sans un sourire ni un privet, et je me réjouis d’être enfin confronté à l’amabilité relative des agents dont m’avait parlé Macha, et que l’horaire très matinal n’a pas dû améliorer.

Nous voici bientôt dehors et nous repérons rapidement le taxi qui doit nous emmener jusqu’à Reoutov, en banlieue de Moscou, chez la mère de Macha où nous allons passer plusieurs nuits.


Sur la route, je suis frappé par la grandeur des paysages qui nous entourent, tout est large, haut, immense et démesuré. D’épaisses et sauvages forêts de conifères bordent les autoroutes à cinq voies, le visage de Mireille Mathieu nous sourit aimablement du haut d’un gigantesque panneau publicitaire, et les silhouettes d’une multitude d’immeubles d’habitation émergent ici et là contre un magnifique ciel rose orangé, dans la brume matinale. Ce smog n’est pas surprenant au vu de la densité de voitures et poids lourds balayant à toute vitesse de grandes routes tracées à la règle, notre taxi zigzagant à toute berzingue parmi voitures de sport et véhicules décrépis, dont les formes peu familières intriguent. Derrière toute cette circulation, on sent la loi de la jungle qui me rappelle des souvenirs d’Istanbul et de sa confusion routière.


Aux alentours de 6h, nous atteignons une zone d’habitation perdue dans les arbres, où de vieux bâtiments datant de Khrouchtchev (années 60) ou Staline (années 30-40) s’alignent, entourés d’espaces verts. Après avoir fait de notre mieux pour dissimuler au chauffeur de taxi ma nationalité française et ainsi payer moins cher, nous passons la porte d’un immeuble et trouvons l’appartement d’Elena, la mère de Macha. Celle-ci nous accueille chaleureusement et, selon l’habitude russe, nous installe rapidement à table dans la petite cuisine avec de quoi nous sustenter : une soupe à l’oseille, de la viniégret, une boisson inconnue à base de groseilles et d’amidon (kissel), des zefir et des cerises au chocolat… Le ventre plein nous tombons de fatigue et allons nous coucher sur les coups de 6h…


… pour nous réveiller vers midi, car une après-midi occupée nous attend : je dois en effet aller m’enregistrer auprès de l’administration ainsi que régler à l’association Eurofamilles l’invitation qui m’a permis de séjourner en Russie en dehors d’un hôtel. Une douche salvatrice parvient à me réveiller pour de bon. L’équation habituelle en Russie étant 1 réveil = 1 petit déjeuner, et ce quelle que soit l’heure de la journée, Elena m’installe devant un petit déjeuner maison, moment terrifiant où Macha, à la douche, ne peut secourir mes quelques mots de russe balbutiant. Je parviens quand même à comprendre les trois quarts de ce qu’Elena tente de m’expliquer au sujet de la bouillie d’avoine cuite, de pomme, de lait et de miel (un délice) qu’elle appelle kacha. Un thé plus tard et après avoir préparé nos affaires, nous nous mettons en route pour la station qui se trouve à quelques minutes à pied. Il fait très beau.


Le train dans lequel nous montons à la station Stroïka est quasiment désert et nous amène en l’espace d’une demi-heure – sur l’une des trois voies composant la voie ferrée - à la station de Serp i Molot - littéralement « la faucille et le marteau » - bienvenue à Moscou ! Sur le chemin du métro, j’ai l’impression d’être comme un nouveau-né qui découvre le monde, car à l’exception des passants maussades et pressés tout est tellement différent, les choix architecturaux éclectiques, les modes vestimentaires rappelant les années 2000, les femmes à l’apparence sophistiquée, la multitude de magasins variés, les immeubles côtoyant les bâtiments bas, les tracteurs lave-rue… Dans les passages souterrains, Macha m’explique que les petits stands et boutiques en tout genre qui s’entassaient là (un peu à la stambouliote) ont aujourd’hui disparu, de même que nombre de rues et trottoirs qui ont été modernisés, européanisés, uniformisés en de grandes voies piétonnes pavées.


Le plus dur, c'est de se mettre d'accord sur un style...

Nous nous engouffrons dans le métro où nous faisons l’achat d’une sorte d’Oyster Card, et où je me rends compte que le taux de change rouble/euro (1€=70₽) est très perturbant. Macha m’explique le fonctionnement de cette immense ville sous la ville : lignes désignées par des couleurs, stations différentes pouvant porter le même nom, organisation circulaire, signalétique ultra efficace empêchant de s’égarer tranquillement, traditionnels rendez-vous au point central des stations pour ne pas se perdre… C’est d’ailleurs au milieu de la station de Barrikadnaya que nous attendons M.K., qui nous a aidés à obtenir mon invitation, et qui est également en partie responsable du français impeccable de Macha, puisqu’elle a été sa professeure pendant des années.


M.K. est une moscovite de souche et, non satisfaite de s’exprimer dans un français parfait, elle est une encyclopédie vivante pour tout ce qui concerne la capitale russe : nous nous mettons en route avec elle tandis qu’elle nous raconte l’histoire des endroits que nous traversons. Les anciens hôtels particuliers défilent, aujourd’hui réservés aux sièges des ambassades. Plus loin, nous apercevons une maison où Tchekhov a vécu, transformée en musée, que nous décidons de visiter le lendemain.


Nous atteignons l’immeuble où je dépose les informations nécessaires à mon enregistrement, puis nous nous arrêtons quelques minutes dans une église orthodoxe - célèbre pour avoir accueilli le mariage de Pouchkine – prenant le temps d’admirer le festival de fresques, de dorures et d’inscriptions en slavon. Nous voilà repartis direction l’Institut de création littéraire Maxim Gorki, où Macha a fait une partie de ses études, sous l’égide, entre autres, de M.K. Nous suivons cette dernière dans l’enceinte de l’établissement quasi désert, comme une oasis de calme au milieu de la frénésie urbaine. Le lieu dégage une certaine aura, avec ses salles de cours austères, ses couloirs sombres décorés des portraits d’écrivains russes emblématiques aux airs sévères. Nous arpentons les étages, suivant les souvenirs de Macha et M.K. sous le regard inquisiteur de Dostoïevski, Gogol ou encore Gorki.

Vas-y coco, crée, on regarde.

Au sortir de l’Institut, il est déjà l’heure du dîner, ce qui paraît impossible compte tenu de nos horaires décalés. Nous nous dirigeons donc vers une sorte de self-service évolué, qui porte le nom très glamour de « Grabli » (littéralement « râteau »). M.K. m’explique que c’est une chaîne de restauration « faite maison ». Je fais connaissance avec une boisson à base de jus de groseilles cuit portant le doux nom de kompot, des kotleti (boulettes de poulet) et des malosolnié ogourci. Ces derniers sont des gros cornichons petits concombres à demi marinés dans l’ail, le sel et l’aneth (en France, ce qui s’en approche le plus sont les « malosols », mot qui ne veut apparemment strictement rien dire dans la langue de Pouchkine), et j’ai du mal à suivre la conversation derrière le vacarme des mes papilles qui hurlent de plaisir à chaque bouchée. Au détour d’une conversation animée comparant les systèmes éducatifs français et russes et les lacunes dans la formation des professeurs, M.K. me fait réaliser que « malo » veut dire « peu » et « sol » = « sel » donc « malosolnie = peu salé).


Le ventre plein, nous nous séparons et prenons le chemin du retour, entre métro et vieille elektrichka (train fonctionnant à l’électricité) bringuebalante. En attendant notre train s’offre à nous le spectacle des moscovites s’entassant consciencieusement sur le quai dans l’optique de se jeter sur les premières places libres, tandis que d’autres traversent les voies et escaladent les barrières pour profiter d’une entrée gratuite à la station.



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