25 août 2016

Voyage en Russie ! - partie 6

Mardi 16 août 2016



Après une dernière nuit à Kitèje courte et agitée de cauchemars de mon côté, nous nous levons de bonne heure car un long trajet nous attend pour rentrer à la capitale. Nous nous attendons à une longue journée, car nous avons prévu de prendre le train de nuit à partir de Moscou le soir-même afin de rallier Okoulovka. Il s’agit d’une petite ville située à environ 470km au nord-ouest de Moscou, dont la visite doit me donner un bon aperçu de la vie à la campagne.

Je découvre, un peu tardivement, qu’à Kitèje la douche accepte de fournir de l’eau chaude à la seule condition que le lavabo juste à côté fasse le même travail – un reste d’esprit collectif soviétique sans doute. Dans la cuisine, une citation de Mark Twain – qui sonne avec tellement d’ironie – a été affichée : « Politicians and diapers must be changed often, and for the same reason », Je soupçonne Andrew, l’Ecossais occupant habituellement la maison, d’avoir pris un malin plaisir à l’avoir placardée là à la vue de tous.

Nous rejoignons bientôt la maison de Sacha et Kirill devant laquelle attend, moteur tournant déjà (apparemment une habitude hivernale étendue à l’année entière), la Lada dans laquelle nous allons embarquer. Je croise discrètement les doigts en espérant que Kirill n’est pas un Russe qui aime la vitesse, mais sans grande conviction. Nous nous installons bientôt à bord du véhicule et je m’aperçois combien les longs trajets paraissent tout à fait banals pour les Russes : emmener de quoi grignoter ou boire n’a même pas été évoqué, et Kirill sera le seul chauffeur pour les quelques cinq heures de trajet, sans autre pause qu’un arrêt obligatoire à Kalouga.

La route jusqu’à cette dernière semble passer vite, bercés que nous sommes par la playlist la plus éclectique jamais entendue, enchaînant morceaux électrobalkaniques et 60s américaines, en passant par de grands classiques et même de la chanson teutonne pour minifritzs. Sacha nous montre l’étendue de sa maîtrise du français, dans lequel elle se débrouille très bien en dépit d’avoir appris toute seule à l’aide de livres et à l’écoute de chansons françaises.


Nous voici bientôt de retour à Kalouga, où nous remontons la vaste rue Gagarine, dépassant l’hôtel Gagarine avant de croiser le centre commercial Gagarine, matraquage indiquant que la ville est un grand centre cosmonautique. Sacha et Kirill s’absentent pour un rendez-vous pendant que Macha et moi explorons cette partie de la ville, achetons du poisson séché, et nous installons dans un parc au milieu duquel se trouve un monument à Konstantin Tsiolkovski, qui est considéré comme le pionnier et père de l'astronautique russe. Tout en mâchonnant du calamar séché, nous regardons passer une ribambelle de bus, qui en accord avec la politique de la région roulent tous au gaz, et transportent un stock de bouteilles rouge vif sur leurs galeries. Des pigeons pigeonnent sans vergogne et des passant(e)s passent, beaucoup arborant des pantalons troués, dans une sorte d’exposition épidermique à l’esthétisme limité qui semble très à la mode en ce moment.


Kirill finit par nous rejoindre et nous reprenons la route, direction Moscou. Quelques personnes se sont installées ici et là en bordure de voie pour vendre leur marchandise, dont quelques babouchki assises à côté de leur stock de légumes ou de fruits. Nous passons non loin du centre nucléaire d’Obninsk, et Kirill nous indique que les habitants des alentours ramassent et vendent les pommes et champignons poussant à proximité sans trop se soucier de possibles risques. Nous apprenons également que la conduite sous l’emprise d’alcool est sévèrement punie ici, puisque la région applique la tolérance zéro ; la première amende peut atteindre jusqu’à 1000€, et la récidive peut facilement conduire en prison.

De retour à Moscou et un enchaînement de métro et d’elektrouchka plus tard, nous voici de retour chez la mère de Macha, qui a préparé de quoi faire une bonne okrochka. Malheureusement je ne peux y toucher, mes intestins décidant subitement de se mettre aux abonnés absents – peut-être la conséquence de l’eau qui, comme dans toute la Russie, n’est pas potable au sortir du robinet. Nous préparons rapidement nos affaires – à peine déballées – pour notre visite de plusieurs jours à Okoulovka, où nous serons hébergés chez Julia, une amie d’enfance de Macha.


Bientôt de retour dans le métro moscovite, via la magnifique station de Komsomolskaya, nous débouchons sur la Place des Trois Gares, qui comme son nom l’indique rassemble en vis-à-vis trois des grandes gares moscovites : Yaroslawsziy Voksal, Leningradskiy Voksal, et Kazanskiy Voksal. Ici, il faut pour pouvoir entrer dans une gare passer un rapide contrôle, avec portail de sécurité, passage des bagages au rayons X et regards soupçonneux des agents de sécurité postés un peu partout.


Macha m’explique que dans un train de nuit il y a quatre grands types de wagons : luxe (dont les prix élevés sont proportionnels au confort offert), SV (qui propose des compartiments confortables pour deux personnes), koupé (organisé en compartiments de quatre couchettes), et platzkart (des couchettes en open-space, c’est la version la plus abordable). C’est ce dernier type de wagon que nous avons réservé.  Notre train à destination de Mourmansk nous attend déjà à quai, trente minutes avant le départ prévu peu après minuit. Chaque wagon est supervisé par deux provodnitsa (les « mamans de wagon ») : celles-ci vérifient nos passeports et billets à la montée, et se relaient la nuit pour rester à disposition des passagers.


L’entrée dans le train se fait dans une ambiance cosy : les haut-parleurs diffusent un langoureux « Eté Indien » de Joe Dassin en version instrumentale au clavecin MIDI, avant d’enchaîner avec un « San Francisco » (version McKenzie) évoquant un CD de relaxation rescapé des années 90. En face de nous s’installe une famille dont le bébé fait ses dents, et nous informe gracieusement de l’état de ses gencives à grands cris. Macha va commander deux thés auprès des mamans de wagon, qui sont servis dans des verres aux supports de métal produisant un cliquetis caractéristique, qui est apparemment le bruit emblématique du train la nuit.


Cliquez ici pour un aperçu de l’atmosphère sonore d’un train de nuit à destination de Mourmansk, par une belle nuit d’été !



Les passagers préparent leurs couchettes à partir des draps encore tièdes du séchage, et nous ne tardons pas à faire de même, avant de nous installer pour une nuit courte et au confort limité, rythmée par les tressautements du train fonçant dans la nuit à travers la forêt.

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